Rezension: Jean-Noël Jeanneney, L’un de nous d’eux
Cette pièce de théâtre a pour cadre une petite maison située à proximité du camp de concentration de Buchenwald, à une dizaine de kilomètres de Weimar. La pièce se déroule en 1943. Le spectateur assiste à une conversation entre deux personnes et une troisième, le soldat allemand Hans. Les deux personnages principaux de la pièce sont Léon Blum (1872-1950) et Georges Mandel (1885-1944).
Blum fut Président du Conseil des ministres de juin 1936 à juin 1937 et de mars à avril 1937. Georges Mandel critiquait les réformes sociales du Front populaire et craignait un affaiblissement de l’économie française, notamment face à l’Allemagne nazie. En septembre 1938, il a placé de grands espoirs dans la conférence de Munich, peut-être sous la pression de l’opinion publique. Mais il a ensuite adopté une position manifestement plus critique à l’égard de l’Allemagne nazie et a demandé le réarmement français. Le 10 juillet 1940, il a voté en tant que député contre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Le 15 septembre 1940, il fut arrêté. Un procès contre lui fut ajourné, il rejoignit le fort du Portalet dans les Pyrénées, d’où il fut déporté par les Allemands le 31 mars 1943 près de Buchenwald.
> Entretien: Jean-Noël Jeanneney, L’un de nous d’eux, 15. April 2023
De 1919 à 1924 et de 1928 à 1940, Mandel est député. De 1934 à 1936, il est ministre des Postes et met en place le premier studio de télévision. Ses mises en garde contre l’Allemagne hitlérienne ne sont pas prises en compte dans un premier temps. Le 10 avril, il devient ministre des Colonies dans le cabinet d’Édouard Daladier. Le 18 mai 1940, il est nommé ministre de l’Intérieur par Paul Reynaud. Le 8 août 1940, il est arrêté par le régime de Vichy et condamné à la prison à vie. Après l’occupation de la France Libre, il est remis aux Allemands qui le déportent dans la maison située près de Buchenwald.
La rencontre dans ces circonstances de Blum et Mandel est décrite dans cette pièce de théâtre. Leurs jours ensemble se terminent après l’assassinat du ministre de l’Information Philippe Herriot, le 29 juin 1944, lorsque le soldat allemand Hans leur laisse entendre que les Allemands vont livrer l’un d’entre eux : “L’un de nous deux”. En effet, c’est Mandel qui tombe dans les griffes de la Milice française paramilitaire dirigée par Joseph Darnand et qui est assassiné le 7 juillet 1944 dans la forêt de Fontainebleau.
Le dialogue imaginaire entre Blum et Mandel touche à toutes les dimensions éthiques, morales, mais aussi et surtout historiques de leur époque et de leur emprisonnement. Dans leurs conversations, il y a encore deux grands absents : Georges Clemenceau (1841-1929), Premier ministre de 1906 à 1909 et de 1917 à 1920. Le socialiste Jean Jaurès (1859-1914), assassiné à la veille de la Première Guerre mondiale, est également impliqué dans le dialogue qui suit.
Cette pièce, qui a déjà fait l’objet d’une quinzaine de mises en scène, notamment en Roumanie, en Belgique et en Suisse, a été écrite par Jean-Noël Jeanneney bien connu comme historien et l’auteur de l’émission Concordance des temps sur France Culture.
“L’un de nos deux” raconte deux journées, les 27 et 28 juin 1944. Ce sont les deux derniers jours que Blum et Mandel passent ensemble après presque un an. Le 28 juin, Mandel est emmené pour être livré à la milice française.
La pièce commence par la critique résolue de Blum sur le comportement de Mandel envers le soldat allemand Hans, qui leur parlait en français. Mandel ne lui fait pas confiance, Hans incarne le mal et la mort. Blum le contredit, Hans n’est pas seul à être allemand, il est peut-être solidaire des Allemands, mais il n’est pas complice. Mandel insiste sur le fait que l’on est toujours responsable de ce qui est mauvais, tandis que Blum veut que Hans ait une chance de raconter sa situation.
Après cet échange, les deux hommes commencent à parler de leur situation commune après que Blum leur a demandé avec angoisse s’ils en avaient fait assez. Le commandant du camp ne peut pas se rendre au front à cause d’une blessure à la jambe… un simulateur, comme Mandel sait le rapporter. Ensemble, ils écoutent à 19 heures des bribes de l’allocution radiophonique de Philippe Henriot, le secrétaire d’État du régime de Vichy. Mandel estime que sa trahison est rendue encore plus odieuse par son talent. Blum rappelle les circonstances qui ont fait oublier à Henriot ses devoirs. Mandel parle même de mitraillette. Au cours de leur conversation, les deux hommes évoquent Jean Jaurès et Georges Clemenceau. Blum raconte une rencontre entre les deux hommes qu’il a observée lors d’une pause au théâtre : il s’agissait de la question de l’intransigeance et des mérites du compromis, une sorte de modèle pour juger le comportement d’Henriot.
Tous deux parlent de la marge de manœuvre et de la poursuite de leurs propres principes. Rien d’étonnant à ce que soit cité ici Charles de Gaulle, “un électron libre” qui s’est détaché des dirigeants de l’époque. Mais comment se comportera-t-il un jour après la libération, fait remarquer Blum. Mandel sait combien il peut être difficile pour beaucoup d’accepter les conséquences de leurs actes.
Le deuxième acte commence avec la nouvelle de l’assassinat d’Henriot, que le soldat allemand Hans leur transmet en leur disant qu’Hitler n’est pas amusé… sa colère, selon Hans, fera d’autres victimes… Blum et Mandel poursuivent leur conversation et Mandel veut savoir si Blum aime suffisamment le pouvoir pour atteindre ses objectifs, Blum fait remarquer que la question de la fin et des moyens se pose toujours. Mandel rappelle Clemenceau : chacun est responsable de lui-même et, avec cette part, il est également responsable de tous. Gouverner, c’est se donner un semblant. Le symbole peut renforcer l’essentiel le moment venu. C’est ce qu’il a appris de Clemenceau. A la fin de l’acte II, Hans réapparaît et laisse entendre que le gouvernement français veut venger le meurtre d’Henriot…
Le troisième acte. Mandel et Blum ont compris la menace qui plane au-dessus d’eux. Blum estime qu’il est toujours permis à l’histoire de formuler des hypothèses face au destin et évoque l’uchronie, c’est-à-dire qu’il cherche des alternatives pour rendre leur situation compréhensible.
Cette pièce explore, sans décrire en détail la barbarie nazie – elle est évoqué sur scène par la vue des barbelés et des chiens de garde – ses effets. Les références à Jaurès et Clemenceau représentent la dimension historique avec laquelle les deux détenus veulent comprendre leur situation. La question des options, des occasions manquées, leurs devoirs moraux, la violation de la loi et du droit par le régime de Vichy sont résumés ici de manière impressionnante : Blum est bien conscient du plus grand danger avec ses conséquences : “Quel triomphe de la haine si elle est parvenue à instiller en nous deux, en vous et en moi, l’obsession de paraître n’être pas des patriotes”. (p. 86)
Schauplatz dieses Theaterstücks ist ein kleines Haus in der Nähe des Konzentrationslagers Buchenwald, etwa 10 Kilometer von Weimar entfernt. Das Stück spielt im Jahr 1943. Der Zuschauer erlebt eine Unterhaltung zwischen zwei Personen und einer dritten, der deutsche Soldat Hans. Die beiden Hauptpersonen des Stücks sind Léon Blum (1872-1950) und Georges Mandel (1885-1944).
Blum war Ministerpräsident von Juni 1936 bis Juni 1937 und von März bis April 1937. Georges Mandel kritisierte die Sozialreformen der Volksfront und fürchtete eine Schwächung der französischen Wirtschaft besonders gegenüber Nazideutschland. Im September 1938 setzte er große Hoffnungen auf die Münchner Konferenz vielleicht unter dem Druck der Öffentlichkeit. Dann aber hat er eine offenkundig kritischere Haltung gegenüber den nationalsozialistischen Deutschland eingenommen und die französische Aufrüstung gefordert. Am 10. Juli 1940 stimmte er als Abgeordneter gegen die Vollmachten für Marschall Pétain. Am 15. September 1940 wurde er verhaftet. Ein Prozess gegen ihn wurde vertagt, er kam das Fort Portalet in den Pyrenäen, von wo aus er am 31. März 1943 von den Deutschen in die Nähe von Buchenwald deportiert wird.
> Nachgefragt: Jean-Noël Jeanneney, L’un de nous d’eux, 15. April 2023
1919-1924 und 1928-1940 war Mandel Abgeordneter. Von 1934-1936 war er Postminister und richtete das erst TV-Studio ein. Seine Warnungen vor Hitler-Deutschland wurden zunächst nicht beachtet. Am 10. April wird der Kolonialminister im Kabinett von Édouard Daladier. Am 18. Mai 1940 wird er von Paul Reynaud zum Innenmister ernannt. Am 8. August 1940 wird er vom Vichy-Regime verhaftet und zu lebenslanger Haft verurteilt. Nach der Besetzung des Freuen Frankreichs wird er den Deutschen übergeben, die ihn in das Haus in der Nähe von Buchenwald deportieren.
Das Zusammentreffen unter diesen Umständen von Blum und Mandel wird in diesem Theaterstück geschildert. Ihre gemeinsamen Tage enden nach dem Mord am Informationsminister Philippe Herriot am 29. Juni 1944, als der deutsche Soldat Hans ihnen andeutet, dass die Deutschen einen von ihnen ausliefern würden: “L’un de nous deux”. Tatsächlich wer es Mandel, der in die Fänge der paramilitärischen Milice française unter von Joseph Darnand geriet und am 7. Juli 1944 im Wald von Fontainebleau ermordet wurde.
Der imaginäre Dialog zwischen Blum und Mandel berührt alle ethischen, moralischen, vor allem auch die historischen Dimensionen ihrer Epoche und ihrer Gefangenschaft. In ihren Gesprächen gibt es noch zwei große Abwesenden: Georges Clemenceau (1841-1929), Ministerpräsident von 1906-1909 und von 1917-1920. Auch der Sozialist Jean Jaurès (1859-1914), der am Vorabend des Ersten Weltkriegs ermorde worden war, wird in den folgenden Dialog miteinbezogen.
Dieses Stück, das schon rund 15 Inszenierungen, auch in Rumänien, Belgien und der Schweiz erlebt hat, stammt von Jean-Noël Jeanneney, der als Historiker in erster Linie für seine Sendung Concordance des temps (France Culture) bekannt ist.
“L’un de nos deux” erzählt von zwei Tagen, der 27. und 28. Juni 1944. Es sind die letzten beiden Tage, die Blum und Mandel nach fast einem Jahr zusammen verbringen. Am 28. Juni wird Mandel abgeholt, um an die französische Miliz ausgeliefert zu werden.
Das Stück beginnt mit der dezidierten Kritik Blums an Mandels Verhalten dem deutschen Soldaten Hans gegenüber, der mit Ihnen Französisch sprach. Mandel traut ihm nicht, Hans verkörpere das Schlechte und den Tod. Blum widerspricht ihm, Hans sei nicht nicht alleine Deutschland, vielleicht sei er solidarisch mit den Deutschen, aber er sei kein Komplize. Mandel beharrt darauf, dass man für das Schlechte immer verantwortlich sei, Blum hingegen will, dass Hans eine Chance bekomme, über seine Situation zu berichten.
Nach diesem Wortwechsel beginnen beide nach der bangen Frage von Blum, ob sie genug getan hätten, über ihre gemeinsame Lage zu sprechen. Der Kommandant des Lager kann wegen einer Beinverletzung nicht an die Front kommen… ein Simulant, wie Mandel zu berichten weiß. Gemeinsam hören sie um 19 Uhr Bruchstücke der Radioansprache von Philippe Henriot, den Staatssekretär des Vichy-Regimes. Mandel meint, sein Verrat sei durch dein Talent noch widerwärtiger. Blum erinnert an die Umstände, durch die Henriot seine Pflichten vergessen hätte. Mandel spricht gar von Maschinengewehr. Im Verlauf ihrer Unterhaltung kommen beide auf Jean Jaurès und Georges Clemenceau zu sprechen. Blum berichtet von einer Begegnung zwischen beiden, die er während einer Theaterpause beobachtet habe: es ging um die Frage der Unnachgiebigkeit und den Vorzügen des Kompromisses, eine Art Blaupause für die Beurteilung des Verhaltens von Henriot.
Beide sprechen über Handlungsspielräume und das Verfolgen eigener Prinzipien. Kein Wunder, dass an dieser Stelle Charles de Gaulle genannt wird, “un électron libre”, der sich von den damaligen Führern löste. Aber wie werde er sich einst nach der Befreiung verhalten, gibt Blum zu bedenken. Mandel weiß, wie schwer es vielen werden kann, die Konsequenzen ihrer Handlungen zu akzeptieren.
Der zweite Akt beginnt mit der Nachricht der Ermordung Henriots, die der deutsche Soldat hans ihnen überbringt und ihnen mitteilt, dass Hitler nicht amüsiert sei… seine Wut, so hans, werde andere Opfer verursachen… Blum und Mandel setzen ihr Gespräch fort und Mandel will wissen, ob Blum die Macht genügend liebe, um seine Ziel zu erreichen, Blum gibt zu bedenken, dass sich die Frage nach dem Zweck und den Mitteln immer stelle. Mandel erinnert an Clemenceau: Jeder sei für sich verantwortlich und mit diesem Anteil sei er auch für alle verantwortlich. Regieren hieße, sich einen Schein geben. Das Symbol könne das Wesentliche zum gegebenen Zeitpunkt verstärken. Das habe er von Clemenceau gelernt. Am Ende des 2. Aktes erscheint wieder Hans und gibt zu verstehen, dass die französische Regierung den Mord an Henriot rächen wolle…
Der dritte Akt. Mandel und Blum habe die Bedrohung, die über ihnen schweb, verstanden. Blum meint, es sei der Geschichte immer erlaubt, Hypothesen gegenüber dem Schicksal zu formulieren un erwähnt die Uchronie, d. h. er sucht nach Alternativen, um ihre Situation begreiflich zu machen.
Dieses Stück untersucht, ohne die Nazibarbarei en détail zu beschrieben – sie wird auf der Bühne durch den Ausblick auf die Stacheldrahtzäune und die Wachhunde angedeutet – deren Auswirkungen. Die Bezüge zu Jaurès und Clemenceau stehen für die historische Dimension, mit der die beiden Häftlinge ihre Lage verstehen möchten. Die Frage der Optionen, der verpassten Möglichkeiten, ihre moralischen Pflichten, der Bruch von rechts und Gesetz durch das Vichy-Regime sind hier in beeindruckender Weise zusammengefasst: Blum ist der größten Gefahr mit ihren Konsequenzen wohl bewusst: “Wie groß ist der Triumph des Hasses, wenn es ihm gelingt, uns beiden, Ihnen und mir, die Besessenheit einzuflößen, scheinbar keine Patrioten zu sein?.” (p. 86)
Jean-Noël Jeanneney
L’un de nous deux
Arles : Portaparole, 5e édition 2019
ISBN 978-2-37864-022-4