La défense des droits de l’homme en France

Les grands avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, éd. par Christine Lazerges
Dalloz  Grands Arrêts
Paris 2016.
500 pages, ISBN 978-2-247-15894-2

Sur le blog > www.france-blog.info vous trouvez une interview de Christine Lazerges, Présidente de la CNCDH répond à nos questions : Les droits de l’homme en France.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme est l’Institution nationale des droits de l’homme française créée en 1947. Ce recueil qui vient de paraître propose 34 commentaires des grands avis rendus par la Commission nationale consultative des droits de l’homme CNCDH depuis novembre 1998 jusqu’au mois d’avril 2015 en ordre chronologique ; sauf le premier avis portant sur la terminologie, plus exactement sur la dénomination “Droits de l’homme”. (19 nov. 1998) Le texte de cet avis suivi par le commentaire de la plume de Danièle Lochak, Professeure éméritée de droit public de l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense (CREDOF) possède toutes les raisons de figurer en tête de la présente publication.

L’avis considère l’histoire, la langue, les différentes expressions proposées pour désigner “les droits de l’homme” et conclut que l’expression “Droits de l’homme” conserve toute sa pertinence pour représenter l’ensemble des droits fondamentaux des femmes et des hommes.” Il n’y a donc pas lieu de la modifier et la CNCDH recommande aux pouvoirs publics de ne pas utiliser une autre dénomination. Le commentaire de Danièle Lochak explique la portée de cet avis et précise des termes pour illustrer pourquoi le CNCDH s’est décidée d’opter pour le maintien des “droits de l’homme” face aux plusieurs ONG, qui à l’initiative d’Amnesty International avaient proposé d’introduire désormais l’expression “droits humains”. Or, Danièle Lochak, concède que l’usage et la prédominance de la langue anglaise pourraient, à long terme, imposé l’expression “droits humains”. Sans en retracer les arguments de son commentaire, constatons que ses 27 paragraphes en 7 pages dépassent la seule question terminologique, car ils touchent ici aussi la portée (universelle) des Droits de l’Homme.

Revenons à l’avertissement de ce volume (p. V) qui donne les détails de son plan d’édition tout en rappelant l’esprit du fondateur de la CNCDH,
René Cassin (1887-1976) (Wikipédia). On néglige pas que le style des avis a changé depuis 1990, ce qui revient à dire que les avis de ce recueil présentent aussi l’histoire du CNCDH. Mêmes si des coupures des avis étaient nécessaires, on en trouve les textee intégraux sur le site du CNDCH www.cncdh.fr.

Le volume a été édité par un Comité directorial (p. VII) accompagné par un Secrétariat général et présidé par la Directrice de l’ouvrage et du comité éditorial, Christine Lazerges, Présidente de la CNDCH (reconduite avec son équipe tout récemment), professeure éméritée de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Nicole Questiaux, Présidente de section honoraire au Conseil d’État, ancienne ministre, a rédigé la préface, p. XII ss. : Elle donne des détails qui rappelle l’œuvre de René Cassin et donc l’esprit des avis de la Commission qui reflètent un certain moment tout en rappelant que la CNCDH est une commission administrative “pas comme les autres”, elle est indépendante et il faudra souligner le mot de René Cassin disant : “je suis un intermédiaire.” Dans ce sens, je comprends aussi la réponse de Mme Christine Lazerges m’ayant demandé, en janvier 2015, pourquoi je m’intéresse à la CNCDH et j’avais répondu que je voulais faire connaître la CNCDH en France, elle ajoutait, faites la mieux connaître en France. La CNCDH doit, dans certaines circonstances de la législation rendre un avis, elle doit être consultée, dans d’autres cas, il se saisit soi-même ou il rappelle, si un besoin il y a – il y en a toujours – la portée des Droits de l’Homme. “Un intermédiaire” avec lequel des autorités doivent compter. Nicole Questiaux pose entre autres aussi la question de “l’effectivité des droits” (p. XIII) et indique que les questions de suivi ne sont pas passées sous silence. Selon elle, la CNDCH n’est pas un “acteur de terrain”, mais les observateurs au bord du terrain observent et lèvent les doigts quand les règles du jeu sont violées.

Rappelons les mots de René Cassin “Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit,” mis en exergue par Christine Lazerges en tête de ses Prolégomènes (p. XV-XXII). Elle rappelle l’histoire de sa commission et met l’accent sur son combat qui est “celui de l’effectivité des droits” et ceci pas seulement sur le plan national. Voici donc toutes les raisons, d’en prendre connaissance au niveau international.

Sur www.france-blog.info:
Heute vor 225 Jahren: Erklärung der Menschen- und Bürgerrechte – 26 août 2014
Der Tag der Menschenrechte am 10. Dezember 2015

De cette manière, la CNCDH a rendu en avril 1990 un Avis sur la mise en œuvre et le développement du droit international humanitaire. Il est à noter que le commentaire de ce texte évalue aussi le suivi de cet avis et le commentaire de Marina Eudes, Maître de conférence HDR à l’université Paris Ouest Nanterre de la Défense est donc aussi une évaluation de l’autorité de la CNCDH. Notons que la diplomatie française réagit aux recommandations de la CNCDH sans entrer ici trop dans les détails.

L’ Avis sur la creátion d’une Cour criminelle internationale (14 mai 1998) a aussi une vocation internationale. Michel Massé, Professeur émérité de l’Université de Poitiers, évalue les résultats de cet avis qui a donné lieu à un projet de loi présenté par Mme Elisabeth Guigou.
L’ Avis sur l’avenir de l’Europe (23 novembre 2001) est a relire aujourd’hui, car il rappelle la portée des Droits de l’homme important pour le débat aujourd’hui qui ne parle des migrants, des demandeurs d’asile parfois avec un certain dédain. Les droits de l’homme sont curieusement absents du discours public d’aujourd’hui. Le FN sur son site (7 janvier 2016) réclame une “Renégociation de la Convention européenne des droits de l’homme, et notamment de son article 8 qui est utilisé par les associations de promotion de l’immigration pour accroître l’immigration vers la France.” = “ARTICLE 8 : Droit au respect de la vie privée et familiale 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.” Convention européenne des droits de l’homme. Rien de plus nécessaire de toute part en France, et pas seulement en France, de rappeler au public les textes fondamentaux des Droits de l’Homme et ne jamais céder aux démagogues. L’avis concernant l’avenir de l’Europe est une bonne occasion de souligner ici la tâche de la CNCDH de mettre constamment en valeur les Droits de l’Homme.

Les personnes handicapés et leur protection et la promotion de leurs droits faisaient l’objet d’un avis le 18 septembre 2003. La fin de vie était le sujet de l’avis du 16 décembre 2004. L’avis concernant la pauvreté surtout dans ce qu’elle prote atteinte à la dignité a été adopté le 23 juin 2005.

L’ Avis sur les conditions du droit d’asile en France du 29 juin 2006 a été suivi par l’ Avis sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis du 2 juillet 2015. François Julien-Laferrière, Professeur émérité de l’université Paris-Sud (Paris XI) a commenté ces deux avis. Il rappelle d’abord que “l’asile est la protection qu’un État accorde à un étranger sur son territoire pour lui permettre d’échapper aux risques pour sa vie, sa liberté ou sa sécurité auxquels il est exposé dans son propre pays. Il s’agit d’un droit de l’homme – le dernier qui lui reste quand tous les autres ont été violés…” (p. 80). L’entrée en France et le dépôt de la demande d’asile sont également commentés.

Parmi les autres avis, il y a un sur la diplomatie française et les droits de l’homme (7 février 2008) commenté par Nabil Hajjami, Maître de conférence à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense (CEDIN). Il évalue les rapports entre l’UE et la France et pose la question si l’UE est “un relais renforçant la diplomatie française des droits de l’homme?” (p. 99) Il répond positivement et souligne le rôle de la CNCDH tout en rappelant qu’il s’agit d’une tâche dans la durée.

L’actualité d’aujourd’hui est encore touché par l’Avis sur le projet de loi relatif à l’immigration, l’intégration et la nationalité (5 juillet 2010). Cette fois-ci, la CNCDH a été saisi à l’occasion du projet de loi sur l’immigration, l’intégration et la nationalité.

Beaucoup d’autres avis se prononcent sur la bioéthique, la santé mentale, la justice pénale des mineures, les Roms – gens de voyage, mariage homosexuel, probité la vie publique, la laïcité, l’erreur judiciaire, l’enquête pénale, la prostitution, le voile intégral, les mineurs isolés étrangers et le terrorisme. Ce choix montre que le mot d’éditeur, cette publication “permet de retrouver l’activité de l’institution et offre un regard transversal sur les grandes questions contemporaines des droits de l’homme,” dit juste.

L’ Avis l’action extérieure de l’Union européenne en matière de droits de l’homme (chose exceptionnelle, l’Assemblée plénière comptait une abstention). Nous citons cet avis pour souligner encore une fois, la vocation internationale de la CNCDH qui résulte entre d’autres de l’idée que les droits de l’homme ne se limitent pas seulement à la France. LA CNCDH recommande la “nécessaire appropriation de la politique de l’UE en matière des droits de l’homme…”. On y reconnaît une mission de la France qui est peut-être sous-estimée par le grand public.

Oui, l’auteur de ces lignes a voulu offrir une introduction aux travaux de la CNCDH qui est pour citer encore une fois le mot de l’éditeur “Assimilée à une autorité administrative indépendante (AAI), elle est une structure de l’État qui assure en toute indépendance, auprès du gouvernement et du parlement un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’homme, du droit et de l’action humanitaire et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.”

Ce livre est une lecture indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à savoir comment on définit en France les prétentions liées aux Droits de l’Homme. Les sauvegarder et mieux encore d’en faire une mission de la diplomatie touche le droit international. Chacun de ses avis est inspiré par la ferme conviction que les Droits de l’Homme ne sont pas négociables, qu’ils sont indivisibles et qu’ils possèdent une prétention universelle.
Heiner Wittmann