Une introduction à l’étude des Fleurs du Mal.
Pierre Brunel, Giovanni Dotoli (Éd.), 1857. Baudelaire et Les Fleurs du Mal (Biblioteca dela Ricerca, Baris-Paris 4, Schena Editore, Fasano 2007.
Dans son introduction, Georges Molinié a bien raison de souligner avec force la “fracassante modernité” de Baudelaire. Une modernité qui n’a pas passé sous silence son mal et les destructions jusqu’à Auschwitz. Tout en évoquant le mal, les poèmes de Baudelaire réussissent de rappeler “une esthétique de l’illimité au ras de l’humain résiduel”. Pierre Brunel décrit les “Tombeaux poétiques de Baudelaire” en parlant de l’histoire de la réception de ces poèmes. Après tout, il faut toujours revenir à “son tombeau le plus beau et le plus vrai”, justement aux Fleurs du Mal.
Ce recueil qui réunit les contributions d’une journée de commémoration à l’occasion du 150e anniversaire des Fleurs du Mal est une introduction très réussie à l’étude des poèmes de Baudelaire et ceci pour trois raisons. L’effet de la lecture, les interprétations personnelles et les remarques sur la structure et la composition des Fleurs du mal avancent tous les trois des pistes importantes de recherche. Ce volume de 150 pages a le grand mérite de ne pas avoir la prétention de vouloir épuiser le sujet, mais il explique pourquoi il vaut la peine de lire et de bien lire les poèmes de Baudelaire.
Salah Stétié y livre un témoignage émouvant de sa découverte des Fleurs du Mal et fait envie de revivre cette aventure. Stétié évoque la “préhension du paysage” comme l’inconscient et d’autres thèmes qu’il a rencontrés dans ses poèmes et comment il a découvert les rapports entre eux. Giovanni Dotoli, lui, propose une interprétation originale sous le titre “Vertige des Fleurs du mal” en apportant son propre poème sur Baudelaire : “Théâtre immortel de ton âme amère…”. Lise Sabourin s’est penché sur les épreuves de l’édition de 1857 des Fleurs du Mal et elle revient à la question de l’organisation du recueil de Baudelaire en sections. En lisant son article on comprendra ce que la suite des poèmes contribue d’essentiel à leur sens et à leur compréhension.
En ce qui concerne les interprétations personnelles, Gabrielle Althen s’est interrogé sur la douleur essentiellement dans “L’Héautontimoruménos“ qui est l’occasion pour le poète d’évoquer le mal sans passer par des médiations divines ou autres. Ce rapport intime avec le mal soulève aussi la question de faire du mal qui ne perd pas de vue la distinction entre le bien et le mal. De cette manière, ce poème évoque aussi des questions éthiques. Ainsi, il conjuge être et mal et en médite la conscience. Lionel Ray analyse les poèmes sous le titre du “Défini et de l’inépuisable” en partant de l’interprétation de Paul Claudel. Ray relit “La servante au grand cœur…” (1857) et “Petites Vielles” (1861). Maxime Durisotti a relu ” Le Masque ” et tient compte de la place de ce poème dans les Fleurs du Mal, une place qui est particulièrement importante en ce qui concerne son esthétique. Les différents thèmes, et avant tout celui de la modernité, dépendent de cette place devant Hymne à l’a Beauté. Steve Murphy évoque la “Personnalité et impersonnalité du Cygne” et décrit ici en détails et explique “le point de vue de Baudelaire touchant les méthodes de composition s’avère assez variable”. Son analyse est un modèle pour les étudiants qui hésitent de livrer par écrit les fruits de leur lecture de ces poèmes. Murphy y montre comment on peut lier les thèmes des poèmes avec les significations de mots tout en tenant compte de l’histoire contemporaine comme p. ex. la transformation de l’urbanisme parisien. Brigitte Buffard-Moret analyse ” Les Origines de la musique baudelairienne “. En peu de lignes, elle évoque l’histoire littéraire autour de 1857 et détaille les implications de la musique dans Les Fleurs du Mal. Sylvain Détoc propose une analyse du ” Dernier Voyage “. le dernier poème des Fleurs du Mal (1861), et pour conclure, il n’est pas surprenant que Sylvie Thorel, dans son article à la fin du recueil s’interroge sur ” …les Postulation de la morale ” chez Baudelaire. Elle aussi revient à l’histoire littéraire et rappelle entre autres comment le style des poèmes de Baudelaire était, à l’époque déjà, le sujet de beaucoup d’interprétations souvent controversées.
La littérature critique réussit bien surtout, si elle, comme ce livre sur Baudelaire, propose des approches, conduit à des interprétations détaillées sans perdre de vue, comme dans le cas présent, le rapports des Fleurs du Mal a son époque, ce qui n’empêche pas, de voir plus loin et de remarquer qu’on ne se limite pas à constater une modernité de Baudelaire, car il faut bien voir, dans quelle mesure, aussi un poète comme Baudelaire prouve que la poésie, elle aussi, contribue au développement de l’esthétique comme à la critique de la société tout en insistant sur part de prédiction qui revient aussi à la poésie.
Heiner Wittmann